Que faisons-nous tous ? Très souvent et sans en avoir réellement conscience ? Nous exprimons nos besoins !
L’expression du besoin autrement appelée, dans sa version la plus structurée, le cahier des charges dans certaines professions dont les achats, fait partie de notre quotidien que l’on soit acheteur ou pas. En effet, en tant qu’être humain, notre vie est tournée sur l’expression de nos besoins. Qu’ils soient émotionnels, physiques, spirituels ou autre… conscients ou inconscients, nous exprimons tous des besoins. Ainsi le simple fait de vous rendre chez votre boulanger et de demander une baguette est un acte qui entraîne une expression de besoin, certes non formalisée, mais qui n’en reste pas moins une expression de besoin avec pour objectif de nourrir un manque physique …
Si cela paraît aussi si simple que de demander sa baguette, pourquoi nos clients éprouvent-ils des difficultés à exprimer et formaliser leurs besoins ? De mon point de vue, la réponse à cette question se trouve dans le sens et l’explication que nous mettons derrière le mot besoin.
Que cache le mot « besoin » ?
Un besoin est une exigence sans laquelle nous serions en situation de manque, de privation. Ainsi, la réponse à un besoin est une nécessité qui doit être remplie sans quoi notre organisation/projet serait en risque. L’expression du besoin, par cette définition, doit servir un objectif. Et c’est là que le bât blesse !
Pour la plupart d’entre nous, nous avons une compréhension biaisée du mot besoin pouvant créer des situations d’incompréhension et d’inefficacité dans lesquelles nous nous retrouvons bien souvent malgré nous dans l’exercice de notre fonction.
En effet, le besoin est très souvent confondu avec les attentes ou les envies. Bien qu’étant tout aussi légitimes et même parfois liés, un besoin n’est nullement une envie ou une attente car celles-ci ne servent pas forcément les objectifs de l’entreprise mais sont souvent centrées sur notre satisfaction personnelle et sur des objectifs en premier lieu tournés vers soi. Bien évidemment, les notions de besoin, attente/envie ne sont pas exclusives et vont même parfois de pair.
Cependant, pour une pratique des achats créatrice de valeur, il est nécessaire pour l’acheteur d’être au clair avec la démarche « d’expression de besoin » et de toujours chercher le sens ainsi que les objectifs visés par les demandes qui lui sont faites. D’où l’importance de maîtriser l’art du questionnement.
L’art du questionnement pour une bonne expression du besoin
Derrière sa réputation d’empêcheur de tourner en rond, par le biais du processus d’appel d’offres, l’acheteur a une opportunité inouïe de réellement impacter son entreprise, de créer de la valeur et de s’assurer que les objectifs définis par son organisation sont bien poursuivis. Bien entendu, ce n’est pas à l’acheteur de rédiger le cahier des charges ni de décider du besoin à émettre mais il est appelé à jouer un rôle clé dans la définition de celui-ci au travers de sa méthodologie d’explicitation du besoin.
L’art du questionnement de l’expression du besoin repose sur quelques principes clés qui sont liés à la posture/savoir-être de l’acheteur tout autant qu’un savoir-faire technique :
- La bonne connaissance de l’acheteur du contexte et de l’environnement de son organisation : il est nécessaire pour l’acheteur de connaitre les enjeux stratégiques de son entreprise, de son client… Comment pensez-vous challenger les demandes de vos clients et être force de proposition si vous ne connaissez pas leurs enjeux ?! Ce ne sont pas les solutions qui manquent et pour n’en citer que quelques-unes : internet, l’intranet & l’organigramme de l’entreprise, les échanges avec vos collègues, le feedback de vos prestataires (oui oui, ça peut servir à cela aussi 😊), l’évaluation qualité de vos projets/prestataires, LinkedIn…
- La curiosité : ce que j’admire le plus chez les enfants, c’est leur capacité à sans cesse s’interroger et poser des questions sans se préoccuper du bien fondé de celles-ci. Ainsi tout comme le font les enfants (toute proportion gardée 😊), l’acheteur se doit de garder sa candeur, sa curiosité et revenir sans cesse au fameux « pourquoi ». Au travers de cet exercice, non seulement vous apprenez des choses mais vous pouvez avoir l’opportunité d’amener votre client à se recentrer sur son objectif.
- La capacité de l’acheteur à analyser les demandes sous-jacentes à celles qui sont exprimées. En cette période de fin d’année, vous avez tous l’exemple de cet ami qui vous demande ce que vous faites pour le nouvel an, pour exprimer son besoin de passer le réveillon avec vous; pour revenir dans le domaine des achats, il y a ce client interne qui souhaite lancer un appel d’offres « urgent » pour exprimer son envie de ne pas perdre son enveloppe budgétaire pour l’année suivante. Face à cela, l’acheteur au travers de ses questions doit faire émerger ces demandes sous-jacentes et faire son possible pour ramener le demandeur à son objectif (qui va bien au-delà d’épuiser un budget annuel) et ceux plus globaux de l’entreprise.
- L’analyse fonctionnelle qui est la démarche consistant à identifier les caractéristiques, les fonctions d’un objet, service, produit pour satisfaire les besoins de son utilisateur tout en tenant compte de ses contraintes. Ce procédé permet de s’assurer que le besoin exprimé va au-delà de ses intérêts propres et poursuit bien les intérêts de l’entreprise.
- L’analyse de la valeur qui est une méthode visant à analyser les différentes composantes d’un process, produit ou service et à appréhender leur impact sur la satisfaction de l’utilisateur final afin d’en optimiser les coûts. Il s’agit donc ici pour l’acheteur d’interroger la finalité du besoin exprimé, des délais souhaités par le client, des moyens utilisés, de l’utilité de certaines tâches…Tout ceci dans le but d’atteindre une formalisation du cahier des charges répondant aux réels besoins et objectifs du client/demandeur achats dans une démarche de réduction des coûts.
- La matrice BCG (Boston Consulting Group) qui va permettre d’amener le client à réfléchir à une meilleure allocation de ses ressources en identifiant en amont les projets les plus viables et les projets potentiels nécessitant un investissement en ressources financières, humaines, digitales, … Pour garder son intérêt, cet outil nécessite que l’acheteur soit impliqué en amont lors des processus d’allocations budgétaires et qu’il travaille de pair avec ses clients et avec la direction financière de son organisation. Cela appelle à une logique partenariale de l’acheteur vis-à-vis de l’ensemble de son organisation.
Tous ces principes techniques et de savoir-être, bien que non exhaustifs, posent déjà les bases pour une meilleure expression du besoin bien que je vois déjà poindre la sempiternelle remarque sur le manque de temps 😉.
Croyez-le ou non, cela est possible et ce malgré le temps que cela nécessitera (surtout au début pour certains). Mais ce n’est qu’à force de pratique et de persévérance que l’acheteur sera en mesure de se positionner comme un véritable challengeur de son client, comme un partenaire des directions métier et comme un créateur de valeur ajoutée tout en tirant une satisfaction personnelle de ce qu’il fait.
C’est ainsi que l’investissement dans un acte aussi anodin qu’est l’expression du besoin peut devenir créateur d’une réelle valeur ajoutée par le questionnement du cahier des charges.