C’est le nouveau mot tendance de ces dernières années et les Achats n’échappent pas à la frénésie du digital depuis quelques mois. En effet, tout comme l’a été la tendance Achats Durables ou RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) il y’a quelques années, le digital est le nouveau leitmotiv au sein de la fonction Achats. Chaque direction Achats se targue d’avoir son spécialiste digital & innovation avec pour objectif d’utiliser le digital comme levier pour capter la valeur au sein de l’entreprise et rendre la fonction Achats plus attractive aussi bien en interne qu’en externe.
Comme toute nouveauté, le digital a des apports indéniables à la fonction Achats mais encore faudrait-il savoir ce que l’on entend par digital. En effet, digital tout comme innovation sont devenues des expressions galvaudées et fourre-tout. Ce qui a pour conséquence d’atténuer les apports que pourraient avoir le processus de digitalisation au sein de la fonction Achats.
Avant d’aller plus loin et pour éviter tout amalgame, une définition du Larousse du terme « digitalisation » décrit ce dernier comme une action de numériser ou autrement dit une action de convertir sous support informatique, technologique une information. Cette définition bien que définissant déjà le cadre de ce que l’on entend par digital, ne permet néanmoins pas de séparer le bon grain de l’ivraie. En effet, comme toute innovation, le digital ne peut être source d’avancée et de création de valeur si les objectifs visés servent un intérêt bien au-delà de l’outil lui-même. Tout comme ce fut le cas avec l’apparition des outils e-procurement. Ces derniers ont été source de valeur et ont permis une vraie avancée de la fonction Achats dans des contextes où ils servaient les intérêts d’une stratégie claire qui allait au-delà d’un outil. En effet, aussi parfait soit-il, un outil ne peut pas remplacer le manque de vision ou de stratégie d’une profession encore moins celui d’une entreprise. Un outil répond aux exigences, aux attentes d’une vision humaine et cette vision humaine ne peut porter des fruits et aboutir à des résultats pérennes que si l’humain est au cœur de la vision portée et que les stratégies défendues sont réfléchies dans une perspective de moyen/long terme avec pour visée la création d’une valeur ajoutée.
Ainsi, c’est uniquement en se posant la question sous cet angle que les directions Achats pourront identifier les réels apports que peuvent avoir autres chatbots, applications mobiles, Serious Games, MOOC (Massive Open Online Course) ou tout autre support digital et ce sans tomber dans un effet de mode…
Autrement dit, les directions Achats avant de s’embarquer dans ce qui semble être une aventure digitale, devraient avant tout se demander si un processus de digitalisation aussi simple soit-il répond au moins à une de ces questions :
- Est-ce que mon processus de digitalisation permet de créer de la valeur ajoutée ?
- Est-ce que mes équipes Achats notent un gain de temps significatif dans l’exercice de leur fonction (gestion appel d’offres, gestion Risque fournisseur, relation fournisseurs, relation donneurs d’ordre…) ou une diminution de tâches chronophages ?
- Est-ce que la mise en place d’un outil digital permet de créer une image positive à la fonction Achats aussi bien en interne qu’en externe de l’entreprise ?
- Est-ce qu’un outil digital participe à une communication constructive et à la création d’un lien entre les différents interlocuteurs ?
- Est-ce qu’un outil digital favorise l’acquisition et la transmission des compétences au sein de ma direction Achats ?
Bien que ces questions ne soient pas exhaustives, une réponse négative à une de celles-ci devrait nous alerter sur la place de l’humain au sein de notre organisation et aussi sur la place qu’a pris le moyen sur l’objectif.
Les outils n’ont de valeur que si ces derniers servent l’intérêt humain et s’ils permettent l’épanouissement de l’individu au sein d’un groupe humain. La technologie au travers de son application digitale n’a d’intérêt et n’atteindra son but que si elle permet à l’être humain de s’épanouir, de se dépasser et d’arriver à sa pleine réalisation. Les outils digitaux nous donnent l’opportunité de rêver et de voir au-delà d’un horizon limité. Cependant, le rêve ne garde son intérêt que s’il garde l’être humain en son cœur et sert avant tout son intérêt.
Pour illustrer notre propos, prenons le cas des MOOC qui ont perdu leur intérêt et peinent à atteindre leur objectif de formation et de transmission de savoir (Seuls 5% des apprenants vont au terme d’un programme de formation ; Source : Capital Mars 2017). Pour ce qui est du cas précis des MOOC, la technologie n’a pas été pensée comme un moyen devant servir l’intérêt humain et l’aider à créer de la valeur mais uniquement comme un outil de réduction de coûts et de gain de temps. Au vue des résultats obtenus aujourd’hui par les MOOC, il convient de s’interroger sur la pertinence d’une technologie comme celle-là tant elle répond peu à l’objectif final et place peu l’être humain en son cœur. En effet, un objectif de réduction de coûts ou de gains de temps ne peut être atteint que si l’objectif premier d’un outil de formation répond à son but premier de transmission de savoir en gardant l’humain au cœur de sa pédagogie comme le fait par exemple le Serious Game au travers de l’implication de l’apprenant par le jeu.
Aussi, face la frénésie digitale que connait aujourd’hui la fonction Achats, tout l’enjeu pour les directions Achats est donc d’embrasser cette révolution digitale comme ce qu’elle peut être à savoir un formidable moyen pour créer de la valeur dans tous les aspects de l’exercice de la fonction Achats notamment en terme d’amélioration de compétences et non comme un gadget de plus à brandir pour faire parler de soi.
Cela ne pourra être le cas que si les directions Achats amorcent leur processus de digitalisation avec une réelle stratégie/vision ayant pour ambition de placer l’être humain et la création de valeur au cœur de son objectif.